LE CINÉMA PARTOUT ET POUR TOUS !
Association d’éducation populaire, Atmosphères 53 s’est constituée à Mayenne en 1989. Elle a pour raisons d’être la promotion du cinéma, l’éducation à l’image, l’animation et le développement du réseau de salles. Consacrée au continent africain, l’édition 2020 des Reflets du cinéma commence le 13 mars. Entretien avec Audrey Bénesse, 32 ans, programmatrice du festival, nommée récemment directrice artistique.
Parcours ?
Je suis née à Biarritz en 1988. J’ai fait un bac littéraire option cinéma, puis une prépa lettres avec hypokhâgne et khâgne. J’ai fait une licence d’arts plastiques qui m’a ouvert des horizons énormes, une licence de cinéma et un master pro en gestion de projet culturel. En alternance, j’ai effectué des stages dans le cinéma africain. J’ai eu l’occasion de travailler notamment avec Abderrahmane Sissako, le réalisateur de Timbuktu et Bamako. Je suis ensuite partie à Madagascar. Sous la colonisation, il y avait une soixantaine de salles qui ont toutes fermé les unes après les autres, avec l’arrivée de la télévision et des dvd pirates. Pendant deux ans et demi, j’étais chargée de mission à l’institut français. Je m’occupais de la programmation du centre culturel, seul lieu de projection du pays. J’avais donc une grande responsabilité, celle de ne pas proposer du cinéma que pour les blancs et les expatriés. C’est à ce moment qu’est née mon envie de travailler dans une salle de cinéma et de faire de l’exploitation, pour sensibiliser les publics dans la durée. J’ai mis en place des ateliers d’éducation à l’image pour les collégiens du centre-ville de la capitale, Antananarivo. J’ai coordonné pendant trois ans le festival du film court de Madagascar. De retour en France, j’ai travaillé deux ans pour les ateliers Varan à Paris, un centre de formation à la réalisation de documentaires créé en 1980 par Jean Rouch, avec pour objectif d’internationaliser les apprentissages. J’ai quitté ce havre de paix et d’humanité pour reprendre mes études pendant deux ans à la Fémis, au département distribution et exploitation. J’ai rejoint Atmosphères 53 en juin 2019.
Passion ?
J’ai toujours été très imaginative. Je m’inventais beaucoup d’histoires et j’adorais qu’on m’en raconte. J’écrivais beaucoup, j’ai même voulu devenir romancière. Puis j’ai souhaité devenir réalisatrice. J’ai construit ma cinéphilie à 10 ans, avec les VHS que mon père enregistrait au cinéma de minuit. Je voyais les films de Lang, Hitchcock, Chaplin, Murnau, Clouzot, Carné… Même si je ne comprenais probablement pas tout, cela m’a donné une appétence.
J’attendais avec impatience et fierté ce moment privilégié avec mon papa. Plus tard au lycée, j’ai découvert notamment l’analyse de film et Abbas Kiarostami dont les films m’ont transcendée.
Atmosphères 53 ?
Le cœur de notre vocation est l’éducation à l’image et l’accès au cinéma pour tous les publics. Une personne s’occupe à plein-temps de la coordination départementale de tous les dispositifs scolaires, y compris «Collège au cinéma» qui est un dispositif national porté par le centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Celui des écoles et lycées est 100% mayennais, beaucoup plus «à la carte» et en lien avec les établissements, ce qui permet d’irriguer l’ensemble de notre territoire rural.
Militante ?
Il y a forcément un engagement quand on défend un cinéma d’auteur de qualité qui peut sembler exigeant dans sa vision artistique et esthétique. C’est important que le cinéma populaire existe et nous divertisse, mais il n’a pas besoin de nous pour être accessible. Notre rôle de programmateur nous impose de rester neutre et montrer des œuvres diverses et variées. Par rapport à un livre, la force d’un film nous permet en deux heures de nous identifier à des personnages, d’entrer dans leur intimité. Quand un film est bien fait, c’est le meilleur outil d’ouverture d’esprit et de développement.
Les Reflets ?
Nous allons montrer le continent africain dans toute sa pluralité. Parmi les temps forts, il y aura un focus sur le grand réalisateur contemporain tchadien Mahamat-Saleh Haroun et un focus géographique autour de Dakar qui attire l’attention cinéphile en s’affirmant comme le théâtre de récits singuliers et forts. Une cinquantaine de longs-métrages sera proposée au public avec des films familiaux, des films adaptés pour le jeune public et des films plus exigeants, des documentaires et des fictions, des films réalisés par des pontes du cinéma africain comme par des jeunes réalisateurs et réalisatrices émergeants.
Propos recueillis par Christophe Feuillet et publiés dans le magazine de mars 2020.