Diplômé d’un des établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux dans le monde et élève de Jacques Lecoq, Harry Holtzman, cofondateur du collectif Label Brut, présente au public une étape de son travail amorcé depuis deux ans autour de la mort, sans pathétisme. Échanges, discussion autour d’un verre avec tartines et pâté. Dîtes une connerie, allez : c’est beau la vie !
Harry ?
Je suis né le 15 mai 1967 au Texas. Devenir artiste ne m’est pas venu de façon complètement consciente. Après mes études à Yale, j’ai été bousculé par la mort de mon père. Mon grand désarroi m’a amené en France, pour prendre un peu de distance avant de replonger dans des études. Lors d’un stage, Ariane Mnouchkine m’a parlé d’un grand pédagogue, Jacques Lecoq. J’ai intégré son école pendant deux ans, où j’ai appris les métiers de comédien et clown. Cette grande expérience m’a ouvert plein de portes.
De fil en aiguille, la France qui est le pays le plus riche en équipements culturels et en soutiens artistiques, est devenue l’opportunité que j’ai saisie et que je continue à explorer. Quelle meilleure façon d’utiliser son temps sur terre que de rencontrer les gens par le biais de son propre art ?
Label Brut ?
En Mayenne, je connais Laurent Fraunié et Babette Masson avec qui je travaille depuis bientôt 10 ans. Nous sommes issus de la petite branche du spectacle vivant qu’est le théâtre d’objets et des formes manipulées sur scène, notre source d’inspiration au même titre qu’un texte d’auteur. Label comme signe distinctif. Brut comme matière brute. Nous souhaitions remettre en cause et questionner notre passion commune : un théâtre expérimental sans affirmation, dans lequel chaque objet spectaculaire est différent du précédent, en gestation permanente. Ce qui nous lie est au-delà de notre grande complicité.
L’étape ?
Ce projet est une synthèse de nos travaux avec des artistes, des lycéens et une rencontre avec la scénographe Yvett Rottschied. Lors de la présentation, il y aura peut-être des vestiges de cette thématique compliquée à cerner, qui s’affine et se spécifie. J’espère que le public rira et se questionnera. Dans Les funérailles de Mr Kreg, mon clown alter-ego mettait en scène ses propres obsèques, accompagné de l’auteur Diego Vecchio. Penser à sa mort, c’est mieux vivre. Chaque jour devient plus précieux. Beaucoup de sages observent la mort pour mieux situer la place de la vie. Un spectacle qui ouvre sur ces questions peut aider à faire une part du chemin, sans entrer dans un état contemplatif. Comme dans toute œuvre artistique évolutive dont on ne connaît pas la fin du processus, je sais ce que contiendra cette étape, je ne sais pas encore dans quel ordre. Échanger avec le public sur ce qui est en train d’éclore est une chance, une richesse.
La vie, la mort ?
Le printemps m’émerveille, tout reprend vie, y compris certaines de mes petites plantes que j’imaginais mortes. Vieillir n’est pas subir, c’est important de pouvoir se focaliser sur la renaissance continuelle pleine d’espoir. La société a atteint un stade de détérioration inquiétant. Trop de gens ont peur, ce qui les poussent à flirter avec des extrêmes dangereux pour la cité. Au centre, les gens qui essaient d’avoir un discours grand et populaire font peur également.
Citation ?
«L’on verra ce que peut-être une mise en scène qui fuit les artifices pour retrouver avec des objets et des signes directs, une réalité plus réelle que la réalité.» Antonin Artaud.
Plus d'info : https://www.labelbrut.fr
Propos recueillis par Christophe Feuillet et publiés dans le magazine d'avril 2015.