LE TOUR DU MONDE EN 90 JOURS !
Le 8 novembre, Maxime Sorel se lance dans le sillon d’Armel Le Cléac’h, victorieux de l’édition 2016 du mythique Vendée Globe. Né à Saint-Malo il y a 34 ans, le skipper du bateau mayennais et parrain national de l’association «Vaincre la Mucoviscidose» prend le départ de son premier tour du monde en solitaire, sans escale ni assistance.
Pavillon ?
Je suis né à Saint-Malo et ai surtout vécu à Cancale. Je me sens désormais mayennais de cœur. Enfant, je vivais essentiellement à l’extérieur. Je n’étais pas le dernier à faire des bêtises. J’aimais jouer avec le caractère de mes professeurs et amuser la galerie. Je n’étais pas un excellent élève, je n’étais pas très assidu. Depuis l’âge de 8 ans, je navigue. J’ai commencé la compétition à 9 ans. J’ai mis entre parenthèses cette passion pour suivre mes études dans une école d’ingénieur et démarrer dans le monde du travail. Entre 2014 et 2017, j’ai réussi à concilier le génie civil et mes activités de skipper professionnel avant de me consacrer à la voile à 100 %.
Armement ?
Le déclic a été notre victoire en 2017 avec Antoine Carpentier dans la Transat Jacques Vabre, course de 4 350 miles entre le Havre et le Brésil. Le Vendée Globe, c’est 25 000 miles, en solitaire. Cela n’a rien à voir. Il faut bien mesurer l’ampleur de ce trajet qui est complètement dingue. Faire le tour du monde sur un bateau de 60 pieds sans escale ni assistance est une notion qui change tout. Toutes les courses auxquelles j’ai participé intégraient la possibilité d’escale et d’assistance s’il y avait besoin. Là, on doit se débrouiller seul, ce qui modifie tout dans la préparation. Dans le Vendée Globe, un bateau sur deux abandonne. Moins de 90 personnes ont terminé cette course quand plus de 500 personnes se sont rendues dans l’espace. Ce que l’on prépare aujourd’hui, c’est plus compliqué que d’envoyer quelqu’un sur la lune, avec beaucoup moins de moyens financiers.
Position ?
Nous avons un bateau d’ancienne génération et des moyens inférieurs à la plupart des autres équipes. Pour sept personnes, notre budget annuel est au-dessous de la barre du million d’euros. Les plus gros budgets avoisinent quatre millions, pour des équipes de trente personnes. Il y a une seule catégorie : la classe des IMOCA, des monocoques de 60 pieds qui mesurent 18,28 mètres. La dernière génération intègre des foils qui ressemblent à des petites ailes d’avion qui permettent au bateau de se soulever, d’avoir moins de frottements et d’être plus performant. La première victoire est d’être au départ. La deuxième est de finir : nous nous sommes plus concentrés sur la fiabilisation du bateau que sur la performance. La troisième serait d’être le premier à l’arrivée aux Sables d’Olonne. Pour l’instant, je fais mes armes. La victoire sera l’objectif d’une prochaine édition.
Radar ?
La première appréhension est mécanique. Nos machines sont des prototypes. Chaque pièce est unique et doit faire l’objet d’une analyse par un bureau d’études quand elle casse. La deuxième est l’inconnu. J’ai fait beaucoup de Transatlantiques, nord et sud. En revanche, je ne suis jamais allé dans les mers du Sud, très hostiles, dans lesquelles il n’y a aucun trafic. Je passerai le fameux point Nemo, le point le plus éloigné de toutes les terres, à sept jours de la moindre frégate.
Seul ?
J’ai toujours la musique à bord, sauf quand j’ai besoin de me concentrer. J’embarque quelques podcast et livres audio. On m’a conseillé d’emmener quelques films pour les mers du Sud parce qu’on passe beaucoup de temps à l’intérieur. Je resterai connecté avec deux antennes satellites à bord et partagerai l’aventure avec les gens qui nous suivent.
Mucoviscidose ?
Le dragon dans nos voiles symbolise le souffle que les patients atteints cherchent tant. La recherche avance. Un médicament, dont la sortie en France est imminente, va aider la communauté. L’espérance de vie ne cesse d’augmenter. On ne sait toujours pas soigner la maladie, ce qui renforce notre détermination.
La mer ?
On doit composer avec elle, faire comme elle nous dit de faire et rarement faire comme on le souhaite. On est dans son milieu, on communique avec elle, elle nous parle. C’est un élément vivant impressionnant, qui peut être aussi calme qu’hostile. Le propre du marin est de s’adapter à toute situation.
Propos recueillis par Christophe Feuillet et publiés dans le magazine de novembre 2020.