Après "Ressorts, Cliquetis et fraises des bois" en 2011 et "Folie douce et mèche électrique" en 2015, les poètes-musiciens Lise Moulin (Garance) et Vincent Ruche (Bretelle) s’emparent avec délice de la question du bonheur pour faire de leur dernière création "Tout ce qu’on a", un spectacle musical qui parle de chacun et qui fait du bien.
Le grouple ?
C’est une entité musicale formée par deux artistes qui partagent aussi bien leur vie professionnelle que leur vie privée. Ce qui peut être à l’origine d’étincelles, à la maison comme sur scène. Vincent jouait avec le groupe Bajka. Lise démarrait sa carrière professionnelle en tant que comédienne avec le Théâtre du Tiroir. Nous nous sommes rencontrés dans un contexte politique en 2003, à l’occasion d’une manifestation pour la sauvegarde de l’intermittence du spectacle. Ce jour-là, nous n’avons pas fait beaucoup de musique. Nous nous sommes lancés quelques semaines après, en faisant la manche sur les marchés. On ne s’imaginait pas chanter et présenter un spectacle sans personnages, c’était inconcevable. Avant même notre première scène dans la rue, nous nous sommes interrogés mutuellement. Bretelle et Garance sont nés à cette époque et grandissent depuis avec nous.
Avant ?
Vincent est né en 1978, est licencié en Musicologie et a mis un moment avant de sauter le pas de l’engagement professionnel. Le conservatoire de musique et de danse de Laval l’a formé à la trompette puis il a rencontré le théâtre en tant que musicien. Lise est née en 1982, est diplômée d’un DEUST Théâtre à l’Université d’Aix Marseille et a très rapidement développé le chant et l’écriture.
Le bonheur ?
Bien que ce soit le fil rouge de notre création, nous ne savons paradoxalement pas aujourd’hui le définir précisément. En revanche, nous savons quand nous sommes heureux. Nous sommes de plus en plus persuadés que cela se construit et que cela ne dépend pas tant des autres. «Peut-on décider d’être heureux ?», c’est un peu le point de départ de notre spectacle. Avec cette question en permanence à l’esprit lors de la création du spectacle, nous avons beaucoup grandi et évolué dans la manière dont nous travaillons. Lise a interviewé 52 personnes sur le bonheur. Il existe autant de réponses que de personnalités, toutes pertinentes, riches, tenantes et parfois folles.
Après ?
Nous ne savons pas encore s’il y aura une suite à Tout ce qu’on a. Nos spectacles suivent nos chemins de vie. Dire que c’est un aboutissement n’aurait pas vraiment de sens non plus : on n’est jamais arrivé complètement. Nous n’avons aucune leçon à donner. Nous dédramatisons et aimons partager. Cela nous permet de rire et sourire de nous-mêmes, ce qui provoque vraisemblablement la même réaction chez les spectateurs : c’est l’effet miroir. Nous écrivons «Je» pour chacun puisse saisir dans nos textes ses propres travers.
Tout ce qu’on a ?
C’est un spectacle musical qui, dans son propos, est un caléidoscope non exhaustif d’une forme de recherche du bonheur ou d’état de bonheur ou d’état de malheur qui reflète une part du monde. Bretelle et Garance, personnages enlevés et décalés, portent des histoires à un moment donné, avec beaucoup de dérision. Si la vie est trop sérieuse, elle devient ennuyeuse et nous empêche de nous autoriser à faire ce qu’il faut pour être heureux.
L’équipe ?
Nous sommes co-directeurs artistiques. Sébastien Gourdier est notre oreille. Alice Lepage nous illumine. Gloria Rodriguez nous habille. Stéphanie Lallemant nous produit. Ignatus et Jézabel Coguyec nous ont prêté leur plume. Julien Vasnier a percuté nos corps. Le tout sous le regard extérieur et bienveillant de notre coach scénique, Ghislaine Lenoir.
Maturité ?
Nous avons l’impression de vouloir nous faire moins d’illusions sur la vie. Nous avons pris un peu de recul et regardé derrière nous. C’est une étape, une forme d’indépendance par rapport à nos choix artistiques. Nous connaissons mieux nos limites, nos besoins. Nous savons mieux prendre soin de nous et des gens qui nous entourent.
Plus d’infos sur : https://bretelleetgarance.com
Propos recueillis par Christophe Feuillet et publiés dans le magazine d'octobre 2019.